Un programme de renforcement de la population de Grand Tétras du massif des Vosges a démarré en avril 2024. Ce projet scientifique s’inscrit dans une stratégie nationale et une dynamique européenne. Il est autorisé par l’État à titre exploratoire pour une première période de 5 ans. Il participe également à l’amélioration des habitats forestiers, de la quiétude et de l’équilibre forêt-gibier, tout en contribuant à la préservation de la nature et à une meilleure connaissance de l’environnement et de l’espèce.

Le Grand Tétras, une espèce des forêts à haute valeur écologique

Le Grand Tétras est une espèce protégée du massif vosgien, emblématique de la nature montagnarde de l’est de la France. Elle justifie, par son exigence écologique, une qualité élevée de ses habitats forestiers, qui doivent être diversifiés, peu fragmentés et peu fréquentés. Cette qualité de milieu est également favorable à une biodiversité beaucoup plus large, ce qui vaut au Grand Tétras le qualificatif « d’espèce parapluie ».

Depuis 30 ans, une politique de conservation de l’espèce et de son habitat est à l’œuvre pour tenter d’enrayer son déclin. Les causes sont anciennes, multiples et complexes. Certaines se sont améliorées. La diminution de ses effectifs a cependant abouti à un affaiblissement génétique fatal pour l’espèce.

En 2024, 3 à 5 individus autochtones sont encore présents selon les chiffres transmis par le Groupe Tétras Vosges. La protection du Grand Tétras contribue ainsi à la préservation d’un patrimoine naturel fragile, représentatif de notre environnement forestier de montagne.

Pourquoi un partenariat avec la Norvège pour réintroduire le Grand Tétras dans les Vosges ?

La translocation (capture, transport, relâcher) d’oiseaux dans le massif des Vosges s’inscrit dans un projet de réintroduction construit autour de transferts de nouveaux oiseaux sauvages, à l’image d’autres programmes européens. La population norvégienne de Grand Tétras est parmi les plus importantes à l’échelle mondiale (200 000 individus estimés). En Norvège, l’espèce est chassée (à raison d’environ 15 000 Grand Tétras par an).

Pour ce programme, les autorités norvégiennes et les gestionnaires de la chasse (STATSKOG) ont autorisé la capture de 50 oiseaux par an pendant 5 ans et accompagnent les opérations sur le terrain. Le Parc naturel régional des Ballons des Vosges coordonne les opérations sur le territoire français. Le projet prévoit une à plusieurs opérations de translocation par an durant cette période.

Quel bilan pour la première translocation du Grand Tétras dans le massif des Vosges ?

La première opération de translocation du projet de réintroduction du Grand Tétras s’est déroulée fin avril 2024. Neuf Grand Tétras norvégiens ont été relâchés dans le massif du Grand Ventron. Un suivi attentif a été mis en place grâce à une balise GPS posée au moment de la capture sur chaque oiseau.

Installation et adaptation des oiseaux relâchés en milieu naturel

De mai à septembre 2024, les oiseaux relâchés découvrent leur nouvel environnement. La nidification d’une poule est constatée. Les localisations montrent une présence régulière de la majorité des oiseaux sur le massif du Grand Ventron. Ces différents constats indiquent leur tolérance au transfert de la Norvège au massif vosgien. Les observations confirment que la zone sélectionnée pour le lâcher est favorable et offre aux oiseaux toutes les ressources nécessaires à leur adaptation et leur protection. 

Pendant cette période, trois individus ont effectué des déplacements parfois importants (jusqu’à 30 km et sur un mois). Durant ces déplacements, les oiseaux ont trouvé les zones favorables correspondant à l’aire de présence historique du Grand Tétras. Ces zones sont le plus souvent gérées par la « Directive Tétras » de l’Office National des Forêts et classées par Natura 2000 ou protégées réglementairement.

Premières pertes : comprendre les causes des mortalités

De septembre à novembre 2024, malheureusement, nous avons constaté la mort de 6 oiseaux (3 coqs et 3 poules). Pour quatre d’entre eux, le contexte et les indices retrouvés laissent supposer que des prédations en sont à l’origine. Les individus sont en effet morts la nuit, en phase de repos, souvent perchés. Un 5ème oiseau pourrait avoir subi une collision avec un câble d’une ligne à très haute tension. Enfin, le 6ème cas reste indéterminé. L’autopsie et les analyses n’ont révélé aucune trace de chocs, d’intoxication ou de maladies (notamment grippe aviaire). L’oiseau avait pris 800 g depuis sa capture et son gésier était plein d’aiguilles de sapin, de feuilles de myrtilles et de fougères. 

Comportements hivernaux et perspectives pour la population de Grand Tétras

De décembre 2024 à mars 2025, les trois Grands Tétras (2 coqs et 1 poule) ont arrêté de se déplacer pour optimiser leurs dépenses énergétiques et se stabiliser sur leurs territoires d’hivernage. Fin décembre, un igloo de coq a été retrouvé, comportement typique de l’espèce face à d’importantes chutes de neige. Depuis fin février, les deux coqs ont repris leur activité d’exploration en visitant plusieurs places de chant historiques de la Réserve naturelle du Grand Ventron.

Un cas de mortalité de Grand tétras a été détecté par le Parc naturel régional des Ballons des Vosges grâce au suivi télémétrique (GPS) hebdomadaire. La mortalité d’un coq est datée du 2 mars 2025 sur le territoire vosgien. Elle est probablement due à une prédation par un mammifère carnivore, illustrant les pressions que l’environnement local peut exercer sur cette espèce vulnérable.

Sur les 9 oiseaux norvégiens relâchés en avril 2024, deux individus (1 poule et 1 coq) subsistent. Par ailleurs, 3 à 5 oiseaux autochtones pourraient encore être présents dans les Hautes-Vosges, témoignant d’une possible cohabitation entre les individus en réintroduction et les espèces déjà présentes.

Le coût annuel de la translocation est estimé à environ 230 000 €.

40 ans d’actions en faveur des habitats et de la biodiversité

Le programme de renforcement de population de Grand Tétras du massif des Vosges découle d’une politique d’actions en faveur de l’espèce depuis près de 40 ans : aires protégées, réseau européen Natura 2000, programme européen LIFE. Depuis 2018, une déclinaison vosgienne de la Stratégie Nationale d’Actions en faveur du Grand Tétras a été mise en place par l’État. Sa mise en œuvre a été confiée au Parc naturel régional des Ballons des Vosges, à l’Office National des Forêts et au Groupe Tétras Vosges. Voir la rubrique : Pour aller plus loin.

Ce projet de renforcement est issu de cette déclinaison. Il intègre un plan d’accompagnement basé sur des mesures pour l’amélioration des habitats, de la quiétude, de l’équilibre forêt-gibier, de la sensibilisation et de l’appropriation locale. Il implique de nombreux acteurs et partenaires du massif des Vosges, au service d’un véritable patrimoine régional naturel et vivant.

Son coût prévisionnel a été estimé à environ 380 000 € par an. Les actions sont activables au cas par cas selon les financements disponibles et leur acceptation locale. Elles sont favorables à la biodiversité et ont donc vocation à être réalisées avec ou sans projet de renforcement du Grand Tétras.

Pourquoi le renforcement de la population de Grands Tétras dans les Vosges s’inscrit-il dans le long terme ?

Le Grand Tétras étant une espèce sensible et vulnérable, le projet de renforcement se fait sur le temps long, soit 15 ans, dans une logique de protection durable de la nature. Le nombre d’oiseaux transférés annuellement est déterminant pour espérer la restauration progressive d’une population locale. L’objectif du programme est de transloquer 40 à 50 oiseaux chaque année.

Les retours d’expérience des programmes européens similaires témoignent d’un taux de survie moyen d’environ 50 % à un an. Un des principaux objectifs est le rétablissement d’une dynamique de reproduction sur le massif vosgien. Le suivi scientifique et l’évaluation de la première phase exploratoire à 5 ans permettront à l’État et à l’ensemble des partenaires engagés dans ce programme en France de définir les suites à donner.

Réintroduction en Europe : quels enseignements pour les Vosges ?

Des projets similaires de réintroduction du Grand Tétras ont été menés dans d’autres régions d’Europe, notamment dans les Alpes suisses, en Allemagne et en Écosse. Les retours d’expérience montrent des résultats encourageants, avec un taux de survie moyen autour de 50 % la première année et des cas avérés de reproduction dans les zones de lâcher. Ces expériences démontrent qu’une réintroduction bien préparée peut porter ses fruits, ce qui donne un signal positif pour l’avenir de l’espèce dans le massif vosgien.

Pour aller plus loin

Vidéos

Grand Tétras – Norvège

Relacher de coqs et poules – 04/2024 – Massif du Grand Ventron • 9 individus

 

 

 

Contact

Isabelle Colin – Responsable de la communication

i.colin@parc-ballons-vosges.fr

Partenaires

Une gouvernance propre au projet s’est mise en place autour de l’État et du Parc naturel régional des Ballons des Vosges. Elle intègre tous les acteurs de la protection de l’espèce sur le massif des Vosges au sein d’un comité de pilotage, d’une équipe opérationnelle (chargée de la construction et de la mise en œuvre des opérations de translocations) et de groupes de travail thématiques.

Partenaires techniques 

  • Direction Régionale de l’Environnement de l’Aménagement et du Logement du Grand-Est
  • Région Grand Est
  • Office National des Forêts
  • Groupe Tétras Vosges
  • Office Français de la Biodiversité
  • Conservatoire d’espaces naturels de Lorraine
  • Parc animalier de Sainte-Croix
  • Fédération départementale des chasseurs des Vosges
  • Fédération du Club Vosgien

Partenaires financiers :

  • Ministère de l’Ecologie (Fonds Vert)
  • Région GE
  • Fondation Rewilding EU.