Le Parc met à l'honneur ses habitants. Alsaciens, lorrains et franc-comtois nous parlent de leurs modes de vie harmonieux, responsables. Des agriculteur, éleveurs de vaches ou de moutons, producteurs... tous témoignent par l'image et la parole.

« Prairies fleuries, des hommes, de l’herbe et des fleurs » réalisé par le photographe de vallée de Munster, Benoît Facchi.

André Fromelt et Nicolas Bourcart

Fondateurs de la ferme pédagogique du Surcenord à Orbey

A.Fromelt - N. Bourcart« La ferme du Surcenord est une ferme d‘élevage de 110 hectares située à 1000 mètres. C’est un endroit particulier qui, en plus d’une activité agricole, accueille des jeunes personnes déficientes. On leur apprend à travailler et à vivre avec les autres grâce à des chantiers d’entretien d’espace, des travaux à la ferme ou de l’hypothérapie. Une chaufferie à copaux de bois nous fournit l’énergie nécessaire tout en nous permettant de ré-ouvrir les pâturages. Le travail ici a une répercussion concrète. Nos jeunes sont fiers de pouvoir montrer les espaces ouverts, le lard du cochon, le lait de la traite… Ils travaillent pour les autres mais pour eux aussi ! Pour certains, avec une déficience plus profonde, les animaux servent de transfert à la relation. On met alors en place des activités plus thérapeutiques avec des chevaux, des vaches ou des cochons. Sur la ferme, nous travaillons en biodynamie. On observe le processus de vie qui existe dans la nature, au niveau planétaire, floristique et faunistique. Ce lieu est exceptionnel : des zones sèches ou humides, pierreuses, de forêt ou ouvertes… une mosaïque de paysages qui ont été soignés et entretenus pour un maintien et un développement de la diversité. Ici on soigne l‘homme tout en soignant la terre. »

> Ecoutez

Claude Schoeffel

Eleveur de vaches vosgiennes et producteur de fromage à Fellering

Claude Schoeffel« La Vosgienne a toute sa place dans le massif, et bien-sûr dans mon troupeau, qui compte 36 bêtes dont 95% de vosgiennes. En 91, après l’obtention d’un BTS agricole et une année d’enseignement, j’ai repris l’exploitation familiale qui se situe à 700m d’altitude dans la vallée de Thann. Mes racines sont en montagne. Dans les années 50, avec la déprise agricole et l’industrialisation, les espaces réservés aux pâtures des animaux sont devenus des friches qui se sont rapprochées des villages. Au début de mon activité, j’ai créé, avec d’autres agriculteurs et les communes, un partenariat pour la réhabilitation de ces espaces. On défriche avec les animaux, on transforme et on vend tout localement. Ce qui permet aux consommateurs de se sentir acteurs de la gestion de leurs espaces. Chaque année, nous produisons 177 000 litres de lait, transformés en fromage : munster, bargkass, tomes, fromages frais ou encore sieskass. Je ne pousse pas mes vaches à produire plus. J’essaie de rassembler les conditions idéales pour qu’elles expriment tout leur potentiel. Mes vosgiennes se nourrissent des fleurs des landes. La fertilisation provenant de la ferme suffit au développement d’une flore riche et diversifiée. »

> Ecoutez

Francis Briot

Eleveur de vaches limousines à Rougegoutte

Briot« Être agriculteur, c’est un peu comme entrer en religion ! Petit à petit j’ai réussi à mettre en place un élevage allaitant de 170 vaches limousines dont les mères vivent avec les veaux en liberté. Les naissances se font dans les prés. Je vends essentiellement des animaux vivants. Le cheptel est nourri exclusivement à l’herbe. Le fourrage est de très bonne qualité. Je n’achète aucun autre aliment. Mes animaux sont beaux, robustes et bien adaptés au terrain. J’exploite une surface de 117 hectares dans la vallée de la Rosemontoise dont une partie, attenante à la rivière, est inondée en hiver. On y trouve une grande diversité de plantes. Une partie de ma surface est sous contrat Natura 2000. J’y pratique la fauche tardive. Mon élevage est extensif : les pâtures ne sont pas trop chargées. Je fais des roulements pour ne pas les dégrader et, bien-sûr, je n’épands aucun engrais chimique, seulement le fumier de l’exploitation. Je pourrais être en bio mais on peut faire de la qualité sans être estampillé ! En zone de montagne, c’est l’élevage qui permet de garder les paysages ouverts. Nous sommes un peu les jardiniers de la nature. »

> Ecoutez

Gérard Didier

Eleveur de vaches charolaises à Petitmagny

Didier« Pendant 28 ans, j’ai été électromécanicien. À la retraite de mes parents, en 2004, je n’ai pas hésité une seconde pour reprendre leur exploitation. Économiquement, il n’était pas possible de continuer l’activité laitière, alors j’ai développé un élevage de vaches allaitantes charolaises. Depuis, j’ai repris plusieurs parcelles de petits agriculteurs qui ont arrêté leur activité et l’exploitation a doublé de surface. Le plus important est d’avoir une bonne qualité de fourrages sans passer par les compléments alimentaires comme le maïs ou le blé. Mes parcelles sont très morcelées. Je dois veiller à ce que la forêt ne prenne pas le dessus. Chaque hiver j’élague, je débroussaille, j’entretiens les ruisseaux, je fauche les plantes que les animaux ne mangent pas, comme les fougères ou les joncs. Pour préserver la biodiversité, j’ai opté pour un entretien mécanique ou manuel et je fertilise mes parcelles avec le fumier de l’exploitation. C’est important car je produis la totalité de l’alimentation de mes animaux. J’aime être avec mes animaux sans les contraintes du salarié. J’aime respecter le rythme de la nature sans la bousculer. »

> Ecoutez

Gilbert Trommenschlager

Eleveur de vaches vosgiennes et producteur de lait dans la vallée de la Doller

GilbertTrommenschlager« Ce qui me plait le plus, c’est travailler en pleine nature dans la montagne avec les animaux ! J’ai suivi la voie de mon grand-père et de mon père. Je suis agriculteur comme eux, avec un troupeau de 23 vaches laitières, 16 génisses et un taureau. Mon exploitation se situe à 550m d’altitude sur la route du Schlumpf à Dolleren. Au départ, on faisait de la vente directe de fromages avec mes parents, mais maintenant comme je travaille seul, je vends mon lait à la laiterie. Les vosgiennes sont très adaptées au relief montagneux, elles sont très robustes : la plus vieille du troupeau a 14 ans. Pour avoir un troupeau sain et résistant, il faut impérativement veiller à la qualité de son fourrage, qui agit comme un médicament pour les vaches. Chaque année, j’attends que le foin soit bien mûr, que les fleurs aient le temps de se reproduire, afin d’avoir la meilleure diversité de plantes possible. Je suis à chaque fois un des derniers à faucher ! Je veille aussi à la préservation du Tarier des prés, un petit oiseau qui niche et fait ses petits dans l’herbe au printemps. C’est important de lui laisser le temps de se reproduire pour assurer sa survie. »

> Ecoutez

Jean-Yves Poirot

Eleveur de moutons et moniteur de ski à La Bresse

Poirot - B

« J’exploite 110 hectares dans la vallée du Chajoux, où beaucoup de terrains sont restés à l’abandon depuis la déprise agricole des années 70. Entretenir des terrains en pente, c’est un boulot de bagnard! Avec 350 moutons c’est différent. Mon père et moi avons ré-ouvert des parcelles non mécanisables, en enlevant des épines, des noisetiers, des résineux, en enterrant des pierres. Nous fauchons ces parcelles deux fois par an. Elles sont ensuite pâturées à l’automne par les moutons. Nous façonnons le paysage et le sol sans les dénaturer. Le sol est fertilisé par le fumier de l’exploitation. Si l’herbe est de qualité, les brebis produisent un maximum de lait pour leurs agneaux sans avoir besoin d’aliments. La dernière analyse a prouvé que notre herbe est aussi riche que du maïs de plaine. Mais je ne suis pas en bio ! Tout ça, c’est du bon sens paysan ! Je suis aussi moniteur de ski à La Bresse. Cette double activité m’épanouit totalement. Mais depuis l’arrivée du loup en 2011, mon exploitation est en péril. Je ne peux pas garder mes moutons dans une bergerie ! Et qui défricherait les paysages ? Au nom de la biodiversité, nous devons protéger le loup tandis que nous devons faire l’inverse pour nos exploitations ! Quel est le meilleur choix ? »

> Ecoutez

Joël et Virginie Mougel

Eleveurs de vaches allaitantes à Gerbamont

Joel et Virginie Mougel« Respecter la nature, c’est se respecter soi-même ! Notre troupeau de vingt vaches allaitantes est diversifié : des limousines, blondes d’Aquitaine et charolaises. Le bétail vit en liberté et se nourrit d’herbe, de foin et regain et d’eau de source. Je suis la troisième génération à travailler ici. Sur nos vingt hectares, nous reproduisons les méthodes des anciens. Ce sont de petites parcelles fauchées avec un petit tracteur ou nos bras que nous entretenons en remontant les murets écroulés,en maintenant les rigoles…. Sans engrais, avec une fauche par an et éventuellement un regain, l’herbe et les fleurs ont le temps de pousser et les abeilles de les polliniser. Cette ferme a toujours été en bio, mais la certification date de 2008. Je travaille aussi à la commune, par nécessité. Virginie vient de Paris. Même si la ferme est isolée, nous ne sommes jamais seuls grâce à notre relais pour randonneurs. Il se trouve dans une veille ferme de 1800 rénovée. C’est Virginie qui s’en occupe. Les visiteurs peuvent aussi consommer nos produits réalisés à partir des bluets, mûres, groseilles, fraises des bois etc… que nous cultivons. Entourés de nos quatre enfants, nous sommes très heureux ici. »

> Ecoutez

Michel et André Germain

Eleveurs de vaches laitières à Saulxures-sur-Moselotte

Michel et André Germain« Certaines de mes parcelles sont un vrai écomusée tellement il y a de plantes, d’animaux ! Les trois générations qui ont exploité nos terrains n’ont jamais utilisé d’engrais. Les prairies sont fauchées avec une motofaucheuse ce qui permet de protéger les insectes ou les nids d’oiseaux comme le Tarier des prés. Nous avons 15 vaches laitières, des vosgiennes et montbéliardes, qui nous permettent de fabriquer notre fromage de type Munster. C’est ma femme qui s’occupe de la transformation, comme lui a appris maman, dans un chaudron en cuivre, sans ferments, avec de la présure, et sans réchauffer le lait, juste après la traite. Mon père a toujours travaillé sur l’exploitation. À 90 ans, il nous aide encore. Il s’occupe du petit bois, fauche le long des murets à la faux, entretient les rigoles à l’automne. Nous ne comptons jamais nos heures. C’est juste du plaisir! Mes deux fils pensent reprendre l’exploitation. L’un étudie la conduite d’exploitation, son frère les machines agricoles. Mais la retraite n’a pas encore sonné, surtout si j’hérite de la santé de papa ! Le concours des prairies fleuries a permis de mettre en valeur des gens qui font rarement parler d’eux et qui ont l’amour de leur travail. Je suis fier d’avoir eu le prix national.»

> Ecoutez

Mireille Klein

Eleveuse de vaches allaitantes sur les hauteurs de Hattstatt

Mireille Klein« Notre exploitation de vaches allaitantes située en montagne est en élevage naturel. Mon conjoint et moi essayons de respecter au mieux l‘équilibre entre la valeur écologique et la valeur agricole. Ce qui signifie avoir une meilleure productivité en tenant compte des sols, de leur situation et du bon entretien des parcelles. L‘engrais organique utilisé est du fumier de notre production. Nous passons la herse pour aérer les prairies. Nous débroussaillons les refus (ce que les vaches ne mangent pas), les ronces et orties aux abords des clôtures et enfin nous fauchons après le 1er juillet, afin de respecter la biodiversité faunistique comme floristique. Nos broutards (de 8 à 10 mois) et génisses (de 18 à 24 mois) sont vendus directement à la ferme. Nous avons un atelier de découpe, et nous conditionnons devant le client à sa convenance. Notre publicité est la satisfaction de nos clients, donc „le bouche à oreille“. »

> Ecoutez

Nicolas Lemercier

Eleveur de vaches laitières et producteur de kirsch à Fougerolles

Nicolas Lemercier« Comme l’exploitation a toujours été naturelle nous sommes passés en agriculture biologique. Nos cinquante vaches montbéliardes et prim’holsteins pâturent le plus longtemps possible dans les prairies. Nous les soignons donc préventivement avec des tisanes ou des huiles essentielles. À Fougerolles, la fabrication du kirsch A.O.C. est liée aux exploitations agricoles. Je produis le kirsch en une seule passe. Ça lui donne un goût prononcé de cerise. C’est magnifique de voir les vaches pâturer au printemps sous les cerisiers en fleurs ! Le bétail fertilise le sol, entretient le terrain et mange quelques cerises. La qualité du lait et du kirsch s’en ressentent forcément ! Le lait est acheminé à une laiterie pour la transformation. Nous revendons aussi quelques broutards et des génisses. L’abattoir est à dix kilomètres, ce qui minimise le stress du bétail. Et la consommation reste locale. Nous veillons aussi, en famille, au renouvellement des arbres dont nous sommes amoureux ! En entretenant nos surfaces, les milieux ne se referment pas et nous préservons beaucoup d’espèces. Je suis la seule exploitation bio de la commune mais nous échangeons avec les autres agriculteurs. J’espère que d’autres suivront ce chemin! »

> Ecoutez

Robert Luttringer

Ouvrier-paysan, éleveur de vaches Charolaises et mécanicien d’usine à Storckensohn dans la vallée de la Thur

Robert Luttringer« Mes collègues de travail se demandent pourquoi je travaille autant ! Je suis mécanicien d’usine et j’ai repris l’exploitation de mes parents. Depuis mon adolescence je voulais avoir des vaches. ça me faisait vraiment mal au coeur de voir la friche prendre le dessus, de ne plus reconnaître les endroits de mon enfance… Comme je suis souvent à l’usine quand les vaches font leurs petits, j’ai acquis un petit troupeau de Charolaises ; une race de vache avec une grande facilité de vêlage ! J’ai aujourd’hui 21 bêtes mais il m’en faudrait au moins cent si je voulais vivre de l’agriculture ! Je n’ai malheureusement pas assez de terrains. Je suis arrivé tard. Je n’ai pu avoir que de la friche, des terrains en pente, ou des micro-boisements à défricher. Par contre, une fois le paysage ré-ouvert, j’ai réussi à obtenir une bonne diversité florale sur certaines parcelles qui donnent un foin très riche pour les vaches. Je n’utilise jamais d’engrais, aucun produit mis à part le fumier du bétail. Les vaches ne doivent être élevées qu’avec du foin, de l’eau et du regain ! »

> Ecoutez

Stéphane et Béatrice Humbel

Agriculteurs à Esmoulières

Stephane-et-Beatrice-Humbel«« Nous venons de Suisse où Stéphane était menuisier et moi biochimiste. Il y a quatorze ans, tombés amoureux du plateau des Mille étangs, nous avons repris une ferme et des terrains non-exploités, car trop petits pour être rentables. Nous sommes arrivés avec presque rien. Heureusement, les voisins nous ont rapidement accepté et nous ont prêté de vieux outils
comme cette grande pince pour déraciner les petits arbustes. Chez nous, les végétaux adaptés à notre milieu humide et acide sont conservés. Stéphane doit faucher au moins cinq fois par an les fougères, pour que les fleurs et l’herbe puissent pousser. L’exploitation compte aujourd’hui 120 moutons et trois vaches. Nous veillons à ce que la ferme tourne en circuit fermé. Nous produisons pour nous et pour la vente, de la viande de mouton, de vosgienne, du fromage, des légumes, du pain de seigle… Nous avons beaucoup de respect pour les autres paysans, même si leurs méthodes sont différentes des nôtres. Nous entretenons tous les paysages. La vie est dure mais la nature nous ressource incroyablement. Nous savons qu’elle reprendra ses droits quand nous n’aurons plus assez de force! Mais c’est le chemin de vie qui est important, non sa finalité. »

Anne-Marie et Antoine Franck

Eleveurs de vaches Salers à Goldbach-Altenbach

Anne-Marie et Antoine Franck« Nous sommes nés sur une petite exploitation d’ouvriers paysans. Antoine a voulu lui aussi mener une vie de pluriactif, en se partageant entre son travail de facteur et sa passion pour les animaux. Avant qu’Antoine soit en retraite je m’occupais seule des animaux le matin. C’était très compliqué, en particulier pour les vêlages… On a donc choisi la Salers, une race très maternelle. Nous ne commercialisons pas de viande, les animaux partent vivants : les femelles pour la reproduction et les mâles dans les élevages. Notre troupeau est réputé pour sa docilité. Notre secret ? Aller souvent voir notre troupeau, être très attentifs aux veaux. Nous pratiquons l’estive. Ce qui veut dire que le troupeau reste au moins cent jours par an au dessus de mille mètres juste en dessous du Grand Ballon. Pour respecter au mieux la nature et l’environnement, on ne va pas trop tôt sur les prés, on fait des rotations pour que les plantes aient le temps de fleurir et faire tomber leurs semences. On n’ajoute rien au sol. Notre bétail se nourrit uniquement des plantes naturelles des hautes chaumes. »

 

Jean-Blaise Gérard

Eleveur de vaches holsteins et montbéliardes à Rochesson

Jean-Blaise Gérard« La plaine c’est trop triste, trop plat pour moi ! J’exploite un troupeau de vaches laitières de trente bêtes sur une soixantaine d’hectares. Cette ferme a été créée par mes grands-parents dans une vallée granitique. Les terrains en pente non mécanisables sont broutés directement par les animaux et les meilleures parcelles valorisées en prés de fauche. Je pratique une agriculture traditionnelle, comme le faisaient mes ancêtres, avec quelques machines en plus. Sur mes prairies naturelles, j’utilise très peu d’engrais, juste du fumier. Certains terrains sont très riches en fleurs, en particulier celui où se situe l’ancienne ferme vosgienne du 18e siècle habitée autrefois par mes grands-parents, et aujourd’hui encore par ma tante. On y a recensé plus d’une trentaine d’espèces végétales différentes. Cette parcelle a un très bon rendement fourrager, un bon compromis entre qualité et quantité ! Mes vaches ne mangent pas de maïs, juste du foin et du regain. Matin et soir, je dois faire la traite et m’occuper des animaux pendant quatre à cinq heures mais ça ne me dérange pas. J’aime être avec eux, c’est ma passion. »